Jori ABTOUR

Votre vision du terme "politique" pour le mouvement Colibris "Pourrait-on faire le parti de ceux qui ne sont pas sûrs d'avoir raison ? Ce serait le mien." Albert Camus, 1949. La politique, vaste sujet. De quoi parle-t-on exactement ? Des pages ne suffiraient pas à épuiser le sujet. De la même manière que l'oasis est source de vie dans le désert, les Colibris peuvent être source de sens dans notre existence. La politique renvoie, dans son sens commun, aux notions d'Etat et de pouvoir. Pouvoir, c'est la capacité à faire, à convaincre, mais aussi à contraindre. Les grandes traditions spirituelles de l'humanité ont porté un regard assez critique sur le pouvoir et la politique. Pour nos frères musulmans, le Djihad intérieur (contre le 'nafs', l'ego) est considéré comme plus important que le Djihad extérieur (contre les supposés infidèles). Pour la première fois, un collectif d'une envergure nationale ose proclamer la primauté de la révolution intérieure. A ma connaissance, c'est inédit. L'Histoire est riche de ces mouvements et partis, qui, voulant changer les choses au nom des plus nobles aspirations humaines, ont fini par provoquer divisions, déceptions et désespoir. Cela se poursuit aujourd'hui. C'est peut-être l'occasion de "faire quelque chose d'autre". Mais pas comme les autres. Lorsque tous veulent pouvoir, influence ou richesse, il est peut-être possible d'être différent. Lorsque tous cherchent à convaincre ou à combattre, à diviser pour mieux régner, il est peut-être possible de faire différemment. Plus que la taille, l'importance ou la puissance physique ou financière, c'est la force morale et le patrimoine spirituel de chacun de ses membres qui font la richesse et la valeur de ce collectif unique. Cette "autorité" morale constitue à la fois la carte d'identité du mouvement et une source d'énergie et de changement très profond. Les partis qui veulent le pouvoir n'ont pas cette autorité, quand bien même elles la cherchent. Je ne crois pas à la forme traditionnelle d'un parti pour agir efficacement et durablement. Le parti, par définition, divise. Plus qu'à la conquête du pouvoir politique, je crois à celle des esprits. Certains livres ont eu plus d'effet que de nombreuses guerres. Je crois en revanche à notre capacité de témoigner, individuellement et collectivement, de la nécessité d'être juste, dans nos paroles, dans nos actes et dans nos choix. Notre capacité à montrer l'exemple et à trouver des solutions. Notre capacité à convertir, qui est une méthode bien plus douce et efficace à long terme que n'importe quel type de débat ou de combat. Et à notre capacité de nous sacrifier, si c'est nécessaire. En définitive, je crois à notre capacité d'aimer. "Je ne suis qu'un pauvre combattant dont l'âme aspire au bien parfait, à la vérité complète et à une non-violence sans défaillance, non seulement dans mes actes et mes paroles, mais aussi dans mes pensées." Gandhi
Les questions qui se posent pour le mouvement Colibris sur ce sujet 1. Où se trouve le pouvoir aujourd'hui ? 2. Que voulons-nous ? 3. L'engagement politique (au sens classique) est-il nécessaire ? 4. L'aspiration au pouvoir provoque systématiquement une compétition où tous les coups sont permis. A ce titre, la fin justifie-t-elle les moyens? 5. Quels sont les moyens que nous pouvons déployer pour réaliser ce que nous voulons (cf. Q2) là où le pouvoir se trouve (cf. Q1) ? 6. Avons-nous peur de la solitude ? Elle accompagne parfois les compagnons de la justice et de la vérité.