Expérimenter la Colibricratie


La colibricratie : fonctionner sans C.O. et sans C.P.
Il s'agit peut-être de la version 3, 5 ou 10 de la gouvernance

Participent aux échanges : Philippe (Strasbourg), Renée-Jo (haute-Loire), Rémy (Alès), Vincent (Nancy), Virginie (Pays des Sucs), Agnès (Bassin Stéphanois), Sylvie (contributeurs), Péo (Uzège)

Philippe introduit : je trouve que nous sommes dans une ère où les gens demandent à être en prise directe avec le pouvoir, et je ne crois pas qu'on y soit, si mon pouvoir par rapport à Colibris c'est surtout d'élire quelqu'un qui, à ma place, va décider pendant plusieurs années. On peut se démarquer d'avantage de ce modèle de démocratie qui doit évoluer. Je suis dans des groupes qui réfléchissent à comment donner l'initiative aux habitants. L'exemple, c'est Saillans, où depuis 2014 les habitants qui ont remporté les élections gèrent directement les affaires de la commune. Ex : si une place va être refaite, un groupe de citoyens prend les décisions et l'élu a pour fonction de faire ce qu'ils auront décidés. Il y a des problèmes, ce n'est pas parfait. Un des initiateurs, Tristan RECHID, issu de l'éducation populaire et directeur de centre. Il connaît bien la facilitation, il a formé une dizaine de personnes sur Saillans et fait le tour de France sur l'expérience de Saillans. En particulier, les citoyens ont accès au budget et accès aux décisions.
Donc je me dis que dans un futur plus ou moins lointain, Colibris qui est à la pointe de l'innovation sociale pourrait fonctionner comme cela.
Le mouvement, la « belle démocratie » est un mouvement national avec réunion tous les trois mois, dans différents endroits de France. 24 septembre, concept d'assemblée locale qui ont le but de s'approprier le pouvoir politique.
Remarque de Rémy : à Saillans, la loi impose que les élus décident. L'intercommunalité impose également de fonctionner autrement, et ses prérogatives ne sont pas négociables au niveau de la commune : l'intercommunalité décide qu'elle va s'occuper des déchets, ou de l'enseignement, les communes ne peuvent pas dire non. Donc dans la réalité, les élus de Saillans fonctionnent comme des élus traditionnels lorsqu'ils entrent dans la sphère contrôlée par l'intercommunalité. Ils ne peuvent pas dire « attendez, je vais interroger les habitants et je vous direz ensuite ce qu'ils ont décidés».
En sociocratie, le second lien n'a pas de mandat impératif. Le second lien a en tête les vœux du cercle qu'il représente et décide en pleine liberté de conscience.
Mon souhait personnel, c'est de rebousculer les frontières telles qu'elles existent (Philippe ?).
René-Jo pense qu'il faut quand même une certaine élévation de conscience pour que cela fonctionne. Dans notre société, le peuple reste hautement manipulable par la presse, je trouve que dans votre discours, vous ne voyez pas l'absence de maturité.
Philippe recadre en disant qu'il pense à cela pour Colibris. René-jo répond : tout le monde n'a pas nécessairement envie de participer. Vincent renvoie le constat dans le contexte historique de la sociocratie, au Pays-Bas où cela a été lancé, dans l'entreprise d'Endenburg qui a créé le concept, on a vu qu'au bout d'un moment les gens cessaient de venir aux réunions, qu'ils préféraient « faire confiance ». La réponse qui a été apportée dans les versions ultérieures de la sociocratie a été d'introduire de l'apprentissage permanent, des changements sur une logique continue dans la structure.

Quelqu'un ajoute une remarque sur le temps que cela prend de prendre part à des décisions et sur le confort qu'il peut y avoir à laisser les autres prendre des décisions sur la plupart des choses.
Demande de Rémy : quels aspects cibler ?? Philippe répond sur expérimentationâ?¦
Deux points centraux dans lequel le peuple doit avoir la possibilité d'être acteur : les décisions et le Budget.

Agnès évoque la présentation d'hier : « Je fais confiance par rapport au protocole. Mais ce « je fais confiance » est lié à une certaine vigilance, si à un moment donné je ne suis pas d'accord je pense pouvoir le dire et être entendue ».

Vincent dit que pour lui, le fonctionnement de Colibris est déjà très distant de toutes les formes traditionnelles de gouvernance. A Nancy, on a vécu une crise il y a un peu plus d'un an ou d'aucun ont reproché au cercle cœur qui s'était créé à l'époque d' « avoir pris le pouvoir » parce qu'il s'était créé assez vite. A cette époque j'ai réagit en disant que le cercle cœur n'avait le pouvoir de décider des actions concrètes du groupe local. La méthode des forums ouverts permet à des acteurs de base de proposer des actions au groupe, puis si ils arrivent à mobiliser les énergies, l'action sera portée et prendra de l'ampleur, sans que le CC ne soit intervenu ni pour décider de l'action ni de son ampleur en termes de mobilisation d'énergie des personnes du GL. Donc l'initiative de la base bénéficie de l'énergie du collectif pour autant qu'elle parvienne à la mobiliser. Le CC est juste garant que cela reste aligné sur les valeurs du réseau et peut agir en fonction de ses compétences pour faciliter, fluidifier,â?¦
Péo réagit sur cette idée : effectivement, au niveau du groupe local, tu as ta voix au chapitre, mais les investissements, tu n'as pas ton mot à dire personnellement, si ce n'est j'ai confiance dans l'organisation telle qu'elle est mise en place. Je ne sais pas dans quelle mesure, avec le nombre, si on est en possibilité de faire autrement. On peut s'interroger : n'est-ce pas seulement sur la base de cellules de taille raisonnée qu'on peut fonctionner avec une voix au chapitre de tous, pour conserver l'opérationalisabilité.

Philippe revient sur la base de sa critique telle qu'il souhaitait la développé dans cet atelier : « je parle à un niveau « politique et national ». Les personnes qui créent la constitution sont les personnes qui ont le pouvoir. C'est comme cela au niveau de la France ou le parlement a le pouvoir et a le pouvoir d'amender la constitution. Donc, cela ne marche pas, personne ne jouerai à un jeu de table où un des acteurs en position dominante peut en plus changer les règles. On peut avoir l'impression d'avoir la même structure à Colibris. Quel est le contre-pouvoir du cercle de pilotage ?
[les débats deviennent vifs et enflamés, le secrétaire à du mal à tout noter]
Sylvie [plus ou moins l'idée] : Là, si je parle en mon nom propre, je peux retracer comment cela s'est passé pour moi : j'ai découvert colibri après une vidéo, le jour même, j'ai commencé à cotiserâ?¦, puis j'ai été tiré par le sort, j'ai participé à l'orientation et à l'élection du CP. J'ai eu un pouvoir de décision, j'ai été au comité aux C.O exceptionnels visant à réformer la gouvernance, donc je ne peux pas me plaindre de quoi que ce soit qui considérerait que Colibri fonctionne comme l'ensemble des autres associations, puisque moi, cotisant de base, j'ai été à tous les niveaux de décision politique.
Philippe, pourtant, il y a identité entre ceux qui choisissent les règles et ceux qui sont dans la sphère de décision.
Rémy : il y a une différence fondamentale entre la société civile et Colibris, liée au fait qu'il y a toujours : 1° tirage au sort ou élection sans candidat et 2° décision par consentement. La Sociocracy et l'holacracy me semblent incomplètes car il manque un point : il n'est pas possible de révoquer une personne qui incarne un rôle et le dévoie ; sauf si le peuple se révolte. Je préfèrerais que le colibri "de base" puisse avoir une clause constitutionnelle qui permette de remettre en cause une décision ou une posture si nécessaire et amener le cercle d'orientation à devoir re-statuer.
Au plan de l'Europe, même avec les nouvelles règles, il est impossible de révoquer. La règle des 5 millions de signatures a été adoptée, mais cette règle stipule que 5.000.000 de citoyens ne peuvent obliger la Commission ou le Parlement à revenir sur une décision une fois qu'elle a été adoptée. La pétition implique simplement une remise à l'ordre du jour pour qu'une discussion ait lieu.
Il faut interroger sur la question du pouvoir du citoyen qui pour moi implique la notion de liberté et de responsabilité. Responsabilité dans une triple dimensions : 1) responsable au sens de capable de réponseS (il y a toujours plusieurs formes possibles de réponses : s'informer, ou exprimer son point de vue, rester silencieux,...) 2) reponsable au sens de rendre compte et se rendre compte (informer, comprendre,...) et 3) responsable au sens de rendre des comptes (c'est le cas lorsque le citoyen a accepté la charge et la gestion de ressources publiques - élus, fonctionnaires, etc.. ). L'éducation, la formation sont peu axées là-dessus en France. Il faut que cela bouge et il y a du travail.
C'est de la responsabilité du citoyen de cultiver sa liberté et le cas échéant de la protéger. L'une et l'autre sont indissociables !

Vincent Intervient pour dire à quel point il a été estomaqué par l'intervention de Marion et de Cécile lors de la dernière rencontre réseau. Quand je les ai entendues poser tout sur la table, demander en prenant le temps de tout entendre, ce qui devait évoluer selon l'assemblée. J'avais l'estomac noué par mon histoire (expérience) dans le monde des associations. J'ai vécu des situations où en tant que membre du bureau j'avais bossé pour construire de nouveaux statuts que je pensais progressistes et adaptés à la réalité et où ils ont été vidés de leur cohérence par quelques personnes à l'AG qui n'avaient pas pris le temps de les lire et qui voulaient simplement qu'on fasse « comme ils avaient toujours vu faire dans le cadre associatif ». Par respect de la démocratie, on a suivi une idée qui n'était pas réaliste. A la dernière rencontre réseau, on a vraiment été non seulement écoutés par Marion et Cécile, mais sollicités pour instruire les changements qu'on voit en fait se matérialiser aujourd'hui. Donc pour moi, ce qui change tout, c'est que, certes, ceux qui sont « élus » parlent en « je » quand il s'agit de faire, mais c'est un « je » authentiquement instruit du « nous » qui s'exprime par leur voix. Cela change tout. J'ai vu exactement le même mécanisme à l'œuvre à l'Université du Nous, je trouve cela simplement fabuleux.

Elles ont vraiment « posé la gouvernance sur la table » lors de ces dernières rencontres pour qu'en suite ce soit un « je » qui parle en étant « instruit du nous » et pénétré du nous. C'est en cela que le fonctionnement de Colibri est vraiment différent.
[I'idée est ensuite relayée par plusieursâ?¦]

Péo souligne la capacité de se transformer de l'intérieur et de se dire « on expérimente ». « Pour moi c'est vraiment très riche. Ce qu'on voit là, c'est une capacité de transformation morphologique qui est étonnante et je la trouve assez performante. C'est vraiment une transformation morphologique qui s'opère devant nous ».

Philippe dit que l'idée à la base de sa proposition d'atelier, c'est d'y réfléchir, de continuer. Clairement, il pense que le numérique avec des systèmes de choix permet d'animer, de faire des votations par exemple, ou d'autres choses à inventer qui feront qu'on continue à progresser dans cette direction. Participer en tant que « peuple » à la définition des règles et des orientations.
Sylvie précise que cela est précisément prévu dans la nouvelle gouvernance, des modes de collecte d'information et de prise de décision sont explicitement mentionnés dans les statuts.
Philippe envisage de [j'ai raté l'idéeâ?¦]
Sylvie souligne que Colibris construit sa capacité à devenir formateur des consciences pour que d'autres soient en capacité de devenir décideur « en conscience ».

Tour de clôture

Virginie se dit très heureuse d'avoir entendu le vécu de Sylvie par rapport à la gouvernance
Agnès, l'intitulé m'a fait rire, sourire, et fait écho à ce que j'entends dans des milieux militants qui me disent, qu' « on sera prêt, mais pas pour les prochaines », je veux dire les échéances électorales, mais « pour les suivantes ». Les législatives. On entend aussi dire qu'on ne touche pas une bonne partie de la population, mais pourtant on avance, et du coup, je ne sais pas ce que je vais faire pour les élections prochaines. Les informations sur le nouveau protocole étaient importantes, je vais revenir vers mon groupe local avec beaucoup d'infos qui vont provoquer beaucoup de réactions. Je trouve que c'est un truc qui vit, qui est en mouvement et dès lors on expérimente déjà la colibricatie, du moins c'est ce que je trouve.

René Jo, je suis très intéressée par la démocratie, car depuis que je vote, je vote contre quelqu'un et pas pour quelqu'un et je ne vois pas de progrès rapide, mais un aboutissement très lointain et que dans le système politique, on est pas en démocratie, alors qu'à colibris il y des tentatives, des essais, des expérimentations, et j'espère qu'on va progresser parce qu'on a là devant nous un très très gros chantier.
Sylvie : je suis passionnée, cela a pu me rendre un peu véhémente dans mon expression. Mais par les outils digitaux, on peut « prendre le pouvoir » changer les choses, faire changer le pouvoir en place de façon efficace et rapide. On ne doit pas sous-estimer la vitesse à laquelle les choses peuvent bouger notamment par les réseaux sociaux, les forums, tout ce qui se développeâ?¦ Des gens pourront dire qu'ils soutiennent colibris par ces vecteurs.

Rémy : je me sens nourri par ces échanges, et j'ai décidé d'entrer en résistance politique et je ne vais plus voter parce que la démocratie n'existe plus vraiment dans les conditions actuelles et je le dis aux politiques. Pour moi elle a été enterrée au dernier référendum sur la constitution pour l'Europe il y a un peu plus de dix ans.
Le travail qui se fait au sein de colibris est pour moi très important parce qu'il est expérimental : ce ne sont pas des gens qui disent : « je sais, j'ai la solution ». On accepte de dire qu'on est en transition et non dans des solutions élaborées et complètes. Je trouve qu'il faudrait bien souvent mettre un nez rouge de clown aux politiques lorsqu'ils font leur discours. La plupart du temps, ils savent qu'ils ne parlent pas le langage de la vérité. Cela m'est arrivé de leur dire et cela n'a pas plu bien sûr ! Tout le monde peut s'exprimer et faire toutes sortes de promesses ! Mais avec un rouge, cela permettrait de comprendre qu'ils sont dans un jeu et pas dans la réalité.
D'ailleurs, chacun peut aussi le faire pour lui-même (à certains moments). Avoir un nez rouge dans sa poche et soit le toucher dans sa poche, soit le mettre quand on sait qu'on n'est pas sérieux. Cela éviterait bien des déconvenues dans nos relations.

Philippe : moi je dis presque la même chose : j'ai décidé de ne plus voter contre, mais de seulement voter « pour » â?¦ et ce n'est pas pour tout de suite. Je voulais remettre les choses au point : je ne suis pas en train de combattre la gouvernance de Colibris, je suis plus quelqu'un qui lance des bouteilles à la mer,,,, et souvent elles coulent, puis, de temps en temps, elle va au bout, elle fait un chemin et arrive quelque part. Si je parle de cela ici, c'est parce qu'il y a cet esprit d'ouverture, cette agilité dans la structure. C'est formidable. C'est tout simplement formidable.

Pio : Avec tout ce travail, on crée déjà des matériaux qui sont là « pour la suite » et c'est très fort.

Vincent est sollicité par Philippe pour intégrer les réflexions qui au lieu au sein de mouvement « la belle démocratie ». Il Conclut en parlant de la démocratie dans le travail qui est devenu son objet principal de travail. Choquant de penser qu'on serait dans une dictature 8H par jour, du fait de rapport de subordination dans le travail, alors que c'est souvent une partie essentielle de notre temps. La démocratie doit aussi investir ce champ. Très heureux de pouvoir s'y consacrer.

Sylvie revient sur l'évolution du C.O. Pour certains la question c'est « quand est-ce qu'on parle d'autre chose que de gouvernance ». on y a consacré beaucoup d'énergie et certains trouvent que c'est trop. Mais c'est important. Elle signale que Claude Henry fait partie de la belle démocratie